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L'harmonium Alexandre Père et Fils n° 22 252 DN


Je connaissais assez mal cet instrument largement oublié aujourd’hui même des organistes ! Et pourtant il avait eu son heure de gloire et de nombreux compositeurs, et pas des moindres, avaient écrit spécifiquement pour lui. Aussi, je me suis mis à rechercher un instrument à adopter. Le hasard faisant bien les choses, j’en trouvais presque immédiatement un à adopter en 2004 ! Un Alexandre ! en bon état ! et dans la ville où nous passons nos vacances : Le Dorat !

Je me suis ensuite mis à étudier de plus près cette famille d’instruments. Elle est composée de deux grandes catégories d'instruments :

- l'harmonium français, dont fait partie cet harmonium Alexandre

- le reed organ (ou harmonium anglo saxon) qui, sur le même principe des anches libres, possède une architecture et un fonctionnement très différent. Voir la page Reed Organ

Cette page rassemble les éléments que j’ai pu rassembler sur mon harmonium en particulier et sur l’harmonium français en général :

1 - Historique

2 - Travaux de 2004

3 - Travaux de 2016

4 - Description des registres

5 - La maison Alexandre



Historique

Gros harmonium de type français avec un seul clavier et un meuble simple plaqué chêne ciré.

L’étiquette en papier insérée sous une vitre au-dessus du clavier indique

Il porte le numéro de série 22 252 DN rappelé à plusieurs endroits dans l’instrument

Cet instrument comporte 6 jeux et 18 registres

Il y a donc 366 anches et autant de soupapes dans cet instrument ! (6 x 61)

Disposition des registres

E – Expression

(au centre)

Registre Basse

 

Registre Dessus

1

Cor anglais

8’

Flûte

1

2

Bourdon

16’

Clarinette

2

3

Clairon

4’

Fifre

3

4

Basson

8’

Hautbois

4

VH

Voix humaine

8’

Voix céleste

VC

6

2ème Bourdon

16’

Musette

6

0

Forté 3, 4 et 6

 

Forté 3, 4 et 6 (*)

 

S

Sourdine

8'-16'

Trémolo

T

 Grand Jeu

(genouillère – appel des jeux 1 2 3 4 et 6)

 (*) la pastille de porcelaine indique à tort : Forté 1, 2, et 5. Cette pastille n’est pas bombée de la même manière et a été certainement rajoutée ultérieurement pour remplacer celle d’origine perdue. Le réparateur ne s’est pas préoccupé des jeux affectés par le forté !

Le clavier de cinq octaves est transpositeur

La coupure entre basse et dessus s’effectue entre le mi 3 et le fa 3

Le la 3 est accordé à 438 Hz

Le meuble est simple, plaqué de chêne ciré et décoré sur la face avant de deux doubles colonnes.
Les dimensions sont assez imposantes :1,33 m de large, 0.75m de profondeur et 1.02 m de haut. Quant au poids il doit dépasser les 120 kg.

Sous le couvercle est inséré une médaille de bronze :

Exposition Universelle de 1855

Médaille d’honneur

à

ALEXANDRE

PERE & FILS

PARIS

Son numéro de série 22 252 DN permet, grâce aux travaux des membres du forum "Harmoniums et anches libres", de le dater assez précisément de l’année 1860. En fait, chez Alexandre, il existe assez souvent une date de fabrication manuscrite sur la table des soupapes de registres à gauche de la case du cor anglais :


Il est possible malgré le coup sur la table de déchiffrer 24 8bre 60, ce qui peut se lire 24 octobre 1860.

Le DN signifie Diapason Normal qui devrait donc être 435 Hz ?

L’instrument possède d’ailleurs, la médaille d’honneur de 1855, et l’étiquette « 39 rue Meslay ». Il doit donc avoir été un des premiers construit dans la nouvelle usine d’Ivry-sur-Seine. Si on compare le meuble aux premiers « orgue-mélodiums » construits à partir de 1844 l’aspect général est très proche : très larges pédales sous une grande arche en arc de cercle, doubles colonnes, couvercle semblable. Une publicité à l’occasion d’une exposition à Londres en 1862 montre un meuble en tous points identique au mien.

        

Cet instrument ne comporte aucun des perfectionnements ultérieurs (double expression, percussion, prolongement, etc ). Mais cela n’est pas suffisant pour le dater puisque ces équipements étaient toujours optionnels dans un catalogue plus tardif.

En effet, ce modèle est identique au n° 138 du catalogue de la maison ALEXANDRE qui se trouve au dos de la méthode de L. MOONEN (en 1878) alors que le magasin se trouvait alors au 106 rue de Richelieu :

 138. 6 Jeux, 18 regist., Transpos . . CHÊNE  . . . 1380 Fr.

Néanmoins nous n’avons pas ici de gravure pour identifier le meuble.

Nous retrouvons ce modèle dans le catalogue de 1898 alors que le magasin se trouvait alors au 81 rue de Lafayette sous l’intitulé « ORGUE N° 12 au prix de 1400 fr. + 100 fr. pour le transpositeur. Sur la même page se trouve le n°11 qui est identique avec seulement 5 jeux et nous pouvons voir que le meuble était à l’époque sensiblement différent du mien. Cette évolution semble normale après 38 ans ! Vers 1860 un ouvrier gagnait environ 2 Fr. par jour ! Cet harmonium correspondrait donc à plus de deux ans de salaire d'un ouvrier (qui n'était sûrement pas concerné par un tel achat) ! En comparant le prix du pain ( 8 cts de Fr. en 1860 pour 250 gr et 70 cts d’euros en 2004) un tel instrument se vendrait donc aujourd’hui aux alentours de  12 000 € !

Cet instrument se situe dans le haut de la gamme des orgues avec un seul clavier mais sans accessoires "de salon" : pas de percussion et meuble simple en chêne. Par contre le clavier transpositeur indique bien qu’il était certainement destiné à un usage liturgique.

Il a été entretenu par au moins deux facteurs ayant laissé leur nom :

-          Henri FIRMIN, Orgues et harmoniums, Chalet Bon Secours à Saint-Pair dans la Manche qui a laissé plusieurs inscriptions sur l’instrument :

-          tampon à l’encre bleue sur l’arrière du sommier et sur la réserve

-          inscription au crayon sur la table des soupapes de notes : Henri Firmin, accordeur, le 21 février 1893, Paris

-          signature Henri Firmin au crayon sur cette même table au centre

-          gravures : « xxxxx juin 1914  ppi ? » et « réparé au Dorat le 25 juin 1918  H. Firmin » sur la table des soupapes de registres.

Henri Firmin était facteur d'harmonium de formation. On retrouve sa trace dans un grand nombre de régions françaises où il assure essentiellement entretien et petites réparations. En Limousin il a notamment oeuvré en Creuse dans les années 1920. C’est peut-être ce facteur qui a vendu puis entretenu cet instrument à l’origine. (Quoique si on retient l’hypothèse d’une construction en 1860, lors de l’intervention de 1893 l’orgue avait déjà 33 ans !).

          

 

-        A. DELIANCOURT, facteur d'orgues à Faymoreau-les-mines en Vendée qui a mis une plaque en alu imprimé à droite du clavier. La plaque est plus moderne et la Vendée plus proche du Dorat. Ce facteur a été choisi en 1962 pour effectuer un relevage de l’orgue Cavaillé-Coll de la collégiale du Dorat. Il a peut-être entretenu cet harmonium à partir de cette date. C’est peut-être ce facteur qui a remplacé la planche située sous le clavier pour atténuer les jeux 1, 2, et 5 (par du contreplaqué !). Cette planche réduit également le souffle d’air qui passe entre les touches et qui pouvait être fort désagréable en hiver dans une église non chauffée. Sur certains instruments cette planche est garnie d'un molleton pour atténuer encore plus les jeux 1, 2 et 5. Il faudrait peut-être le rajouter ? Ce facteur avait entretenu dans les années cinquante un harmonium Richard de la collection Vernet (Escolore). Il était d'abord facteur d'harmonium et ne s'est mis à l'orgue que plus tardivement.

La signature du facteur Alexandre (Jacob ou Edouard ?) est apposée sur le montant droit du sommier. Elle est accompagnée de l'indication "Breveté" juste en dessous.

Voici quelques hypothèses sur son histoire :

Il semble que cet instrument était  installé à Paris en 1893. Il aurait ensuite été déplacé au Dorat avant la guerre de 1914.

Cet instrument était au service de la communauté des Sœurs de Marie Joseph dont le couvent est au Dorat contre la Collégiale. Une image religieuse rappelant le jubilé de la communauté (1841 - 1941) et des programmes de chants prouvant l’usage liturgique de cet instrument ont été retrouvés dans l’instrument. Cette communauté dont la vocation est la visite des prisonniers comptait des sœurs logées en permanence à Paris à la prison des femmes « la petite Roquette » (1888-1976).

Maintenant rien n’indique si les sœurs ont acquis cet instrument à Paris avant 1893 ou au Dorat en 1914 ? Le fait qu’il s’agisse du même facteur Henri Firmin n’est pas une preuve. Henri Firmin aurait pu entretenir cet orgue à Paris puis l’avoir ensuite revendu aux sœurs au Dorat ?

En 2003 lors de la transformation / rénovation du couvent en maison de retraite pour les sœurs âgées, la communauté s’est « débarrassée » de cet engin encombrant en le cédant à l’antiquaire du Dorat.


Travaux de 2004

J'ai remis en état cet instrument dans la maison familiale située au Dorat en Haute Vienne pendant mes différents congés 2004

 

Février 2004 :

Achat de l'instrument 

Préparation de l’espace : dépoussiérage et revêtement de sol au fond du garage (pas d'autre place pour le moment, mais cet endroit est très sain et non humide).

Déménagement (très très lourd !)

 

 

 

État de l'instrument à la livraison :

 

Meuble propre mais un peu poussiéreux. Quelques manques de placage de chêne sur les cotés, placage très abîmé dans le coin supérieur du coté droit. Bordure du couvercle manquante par endroit. Pêne de serrure cassé – clé perdue. Manque la plinthe sous les colonnes de gauche. Béquille de couvercle sans retenue. Le pupitre est absent. Blocs situés de part et d'autre du clavier sans baguette d’angle et décollé à droite. Tissu du cadre porte pupitre sale déchiré à gauche. Ce cadre est très profondément rayé probablement par un des axes métallique du pupitre disparu.

Trois porcelaines de registres sont décollées (mais heureusement conservées !)

 

La première touche du clavier entraîne la seconde. Clavier à nettoyer. Les touches (plaquées d'ivoire) sont très jaunies au centre. Le premier fa dièse du fifre ne parle pas. La sourdine est peu efficace. Le trémolo bat trop vite (le petit soufflet du trémolo a perdu son poids de lestage).

 

Un des verrous de retenue du châssis du clavier manque. Trois des plaques de porcelaine de registres sont décollées mais conservées. Quelques grincements de pédale ou de soufflet.

 

La soufflerie est en parfait état. Il n’y a pas de fuite apparente et les cuirs des soufflets semblent presque neufs !

 

 

 

Vu l’âge de l’instrument (140 ans ?) on peut considérer que l’état général est très bon, ce qui s’explique certainement par un entretien constant durant toutes les années de service au sein de la communauté.

 

Premiers travaux :

 

Nettoyage général de l’instrument : extérieur, sommiers, clavier

Mise en place de la béquille de retenue du couvercle.

 

Démontage de l'instrument. C'est très facile. Les différentes parties sont montées sur charnières et peuvent basculer. Ces différents éléments sont retenus par des verrous.

 

      

 

         

 

Remise en place du levier de la première touche du clavier qui entraînait la seconde

L’anche de fa# du fifre est décoincée en glissant une feuille de papier entre l'anche et son support

Diminution de l’arrivée d’air à la soupape de sourdine du cor anglais

 



                                     

 

A l’occasion de l’ouverture de l’instrument,  j’ai relevé le plan du sommier avec la disposition des anches. Voici ce schéma vu de dessus :

  

2ème bourdon

6

Musette

Basson

4

Hautbois

Clairon

3

Fifre

 

 

 

Bourdon

2

Clarinette - trémolo

Voix humaine

5

Voix céleste

Sourdine - Cor anglais

1

Flûte

Coté clavier

 

On voit bien sur ce schéma que les volets de forté n’agissent qu’à l’arrière de l’instrument en basse et en dessus sur les jeux 3, 4 et 6.

Recollage des trois plaques de porcelaine. 

Prise de dimensions pour réaliser les pièces manquantes

Couverture de l’instrument par un drap le couvrant complètement.

 

Avril 2004 :

Fixation d'un pupitre rabattable que j'ai réalisé (différent du pupitre d'origine qui se repliait sur le coté).  Dans un premier temps je ne changerait pas les tissus du cadre.

Démontage du panneau arrière. Nettoyage des pédales et des soufflets. Passage au xylophène des éléments en bois (nombreux trous de vers mais anciens et probablement inactifs).

Réglage de la sourdine.

Rétablissement d’un poids sur le soufflet du trémolo. Je modifierai à nouveau ce poids en 2016 pour ralentir un peu plus ce trémolo.

 

               


Essais non concluants de nettoyage du clavier (le jaunissement de l'ivoire est tenace !).

Recollage des trois porcelaines.

Recollage à la colle d’os du bloc à droite du clavier et des deux baguettes d’angle.

Découpage plus propre des parties de placage arrachées et recollage (j'ai décidé de ne pas remplacer le placage manquant) .

Fabrication de la plinthe manquante (bois ancien d’un couvercle de machine à coudre) et collage.

Teintures diverses.

Nettoyage des parties en laiton ou bronze : poignées, barres de pédales, béquille du couvercle, médaille d'honneur.

 

           

 

Nettoyage de l’ensemble du meuble à la popote. Passage au pinceau de cire teintée chêne moyen. Lustrage.

 

Vérification de l’accord. Accordé à environ 438 Hz. (ni 435 ni 440 !)


Une note (le Sib2 du 2éme bourdon) est trop basse d’un quart de ton. Après accord par grattage elle retrouve sa note. Mais le lendemain elle est déjà redescendue et donne un la ! Si j'en crois les explications d'un document de la maison Alexandre, la languette doit être fêlée et je décide donc de l’immobiliser provisoirement au moyen d’une petite feuille de papier. Il faut la remplacer, mais où trouver une anche Alexandre de 2ème bourdon ? Bien plus tard, j'ai heureusement rencontré un musicien passionné de cet instrument, organiste et harmoniumiste, qui possédait un petit stock d'anches et qui a eu la gentillesse de me fournir l'anche manquante.

 
Au niveau de la décoration du fond du garage
j’installe un spot d’éclairage et j’ajoute deux tentures en velours rouge et un grand sous-verre avec un poster d’orgue : cela me fait un petit coin plus sympa pour jouer mais plutôt kitch dans un garage ! (le tabouret n'est pas très chouette et en plus il est trop bas ...)

 

 

 

Inauguration en famille le samedi 17 avril 2004 au soir (il fait plutôt froid).  Présentation - mini concert - et . . . apéritif !




Travaux de 2016


En mai 2016  j'ai eu la chance de présenter cet instrument à un harmoniumiste de talent passionné par ces instruments et qui, après avoir joué celui-ci, m' a fait quelques remarques :

- l'instrument présente un bon potentiel mais :

- l'expression ne marche pas très bien. En effet il est difficile de faire un vrai pianissimo, et lorsque, expression tirée, on arrête de pédaler, le son perdure tout de même environ 2 secondes. Ceci indiquerait une fuite de la soupape  d'expression vers la réserve. De plus lorsque le registre d'expression est tiré à fond cela provoque un cornement sur certaines notes médianes.

- Les pédales pourraient avoir un peu plus de course. Enfoncées à fond les souffets ne sont effectivement pas complètement fermés.

- Le clavier est un peu bruyant (il faudrait probablement revoir les feutres et les mouches qui n'ont pas du être changées depuis longtemps)

Je décidais donc de réaliser une série de travaux pour corriger ces quelques défauts. Cet instrument de 156 ans mérite bien un peu d'attention !


Amélioration de l'expression :


Le premier problème était simple : lorsque le registre d'expression était tiré à fond, le levier en laiton qui traverse la mécanique accrochait les soupapes de notes. L'échancrure dans les queues de soupapes n'était manifestement pas adaptée au mouvement de ce levier qui est inverse des autres registres. Ces soupapes auraient-elles été changées par le modèle adapté aux autres registres ?

La correction était facile à faire avec une simple lime !


Le second problème est plus complexe. Pour atteindre la soupape d'expression qui est située juste au dessus de la réserve il est nécessaire de démonter la table des soupapes de registres, ce que je n'avais encore jamais fait (16 vis à retirer ainsi que les deux verrous de blocage du sommier et les vis des poignées qui gênent l'extraction de cette table!).



Les pièces en cuir rouge sont des "rustines" pour l'étanchéité de la table



La soupape d'expression n'a probablement jamais été modifiée. Les peaux sont fatiguées et durcies. Il est donc nécessaire de remplacer toutes ces peaux et toutes les vis rouillées (certaines cassent au démontage, certaines ne tiennent plus). N'en déplaise aux puristes, j'ai osé mettre des vis en inox !

          


Avant                                                                                                 Après


Mais l'expression ne fonctionne toujours pas correctement ! A priori le probléme vient de la transmission du mouvement entre le registre et la soupape d'expression. La bascule laiton qui appuie sur la transmission semble trop haute et est toujours un peu pressée par les queues des soupapes de notes se trouvant juste au dessus (bien qu'elles soient pourtant déjà un peu évidées !) ...

Le problème peut-être résolu soit en raccourcissant le pilotin en bois qui vient appuyer sur la soupape à travers la table des registres, soit en évidant encore plus les queues des soupapes de notes au dessus de la bascule (ce qui les fragiliserait !). Je choisi donc la première solution.

Et là miracle ! En raccourcissant ce pilotin de 3 mm tout rentre dans l'ordre. J'ai enfin une expression qui fonctionne correctement !


Je pense que vu les défauts accumulés sur cette expression, le registre ne devait jamais être utilisé par les soeurs qui ne devaient utiliser cet instrument que comme accommpagnement des chants. Jusqu'à ce jour je n'utilisais moi-même que rarement l'expression. Maintenant que tout fonctionne je vais m'efforcer de travailler toujours avec l'expression tirée. Il faut bien justifier le terme orgue "expressif ".


On m'a aussi conseillé de laisser le registre toujours tiré afin de ne pas fatiguer le ressort de rappel de cette soupape.


Course des pédales :

Pour augmenter la course des pédales il faut raccourcir la corde située entre le haut de la pédale et le levier qui actionne la pompe. En fait la géométrie du mécanisme entre pédales et leviers ne permet de raccourcir cette corde que de 2 cm. Mais il faut dénouer cette corde ce qui s'avère complètement impossible. La solution serait de la couper et de la changer ! En attendant j'avais posé sous les pédales une petite pièce de bois en U enserrant la corde pour la raccourcir ...

Mais quelques jours plus tard la corde s'est rompue ! En l'examinant pour la remplacer ce n'est pas une corde mais un gros lacet de cuir (presque 8 mm de section). Je la remplace finalement par de la corde polypropylène de 8 mm fixée probablement comme à l'origine. En effet une gorge apparaît en bout du levier ce qui laisse penser que la corde entourait cette extrémité du levier et était nouée sous le levier. Ainsi le noeud ne s'appuie plus sur la pompe qui peut maintenant s'abaisser complètement. Afin de ne plus avoir de problème de noeuds à défaire, j'ai fixé ce nouveau lien au moyen d'un serre-cable (peut-être pas très orthodoxe mais efficace !).



                  

Avant                                                                                                               Après




Bruit du clavier :


Au niveau des tissus d'amortissement, on trouve dans l'ordre du fonctionnement du mécanisme :

- la bande de feutre rouge collée juste au dessus du clavier. Elle est très mince et très dure. Elle ne peut apporter aucun amortissement. Je ne pense pas qu'elle soit responsable d'un bruit excessif, mais je la change tout de même (en feutre vert pour aller avec les rondelles des tirants de registres).




- les carrés de feutre vert épais situés sous chaque touche et attaquant les pilotes en bout de queue des soupapes de notes. Ces feutres semblent en bon état.

- Les mouches de basculement des soupapes. Elles semblent anciennes mais correctes et l'articulation est silencieuse.

- Les peaux des soupapes. En bon état (il n'y a aucun cornement) mais sales.

En fait le bruit du clavier vient essentiellement du claquement de ces soupapes sur le sommier. Comme je n'ai guère envie de refaire les garnitures des 366 soupapes, je crois que je vais m'accommoder de ce petit inconvénient surtout sensible lorsqu'aucun jeu n'est tiré ! Je nettoie néanmoins toutes ces soupapes avec une brosse à dent pour enlever un maximum de poussière !


Autres travaux :

Profitant de ce chantier, j'apporte quelques suppléments et améliorations ...


Réparation de la serrure :

L'instrument m'avait été livré sans la clé du couvercle, et la partie basse de la serrure était cassée. Après étude du sujet ce type de serrure s'appelle une serrure à auberonnière ! L'auberon est le petit cylindre percé fixé à une plaque  vissée sur le rebord sous le clavier, le moraillon. Cet auberon rentre dans l'auberonnière de la serrure du couvercle. A l'intérieur de la serrure le pêne s'engage dans le trou de l'auberon pour fermer. (ouf !). Dans mon cas c'est ce fameux auberon qui avait été arraché (peut-être suite à la perte de la clé, il ya de nombreuses marques de coups sur le bois à cet endroit).
J'ai donc réalisé cette petite pièce en laiton fixée par dessous la plaque par une vis. J'ai ensuite ajusté une vieille clé ancienne de meuble. Maintenant après nettoyage et graissage la serrure fonctionne comme une neuve !

           



Construction d'une chaise d'harmonium : sur base Ikéa

Je ne suis pas le premier à utiliser le tabouret de bar avec dossier Ingolf de chez Ikéa. Quelques exemples sont donnés sur le forum "Harmoniums et anches libres". Mais Ikéa a modifié son modèle (sans prévenir bien sûr) et ce nouveau modèle qui porte le même nom et semble presque identique présente deux changements importants :

    - d'une part le montage a été modifié. Au lieu d'un montage "'ébéniste" avec des vis romaines intérieures et donc non apparentes nous avons maintenant un montage simplifié avec des vis  rentrant directement dans le fil du bois des barres transversales et dont les têtes sont apparentes des deux cotés de la chaise. (de quoi faire frémir un ébéniste et en plus c'est moins beau !).

    - d'autre part les 4 pieds étaient reliés par 4 barres, et maintenant il n'y en a plus que 3 celle du fond ayant été supprimée. Sur une chaise d'une telle hauteur ce manque de barre est particulièrement disgracieux !

Néanmoins malgré ces modifications simplifiant la construction, l'article est toujours au même prix (d'ailleurs la photo n'a toujours pas été modifiée sur leur site !).


Le travail à effectuer est classique mais un peu long : décapage du verni - poncage - teinture- cire d'abeille (3 couches minimum) et lustrage. Je profitais du démontage pour ajouter la barre arrière manquante. Ensuite afin d'obtenir l'inclinaison désirée, j'ai retiré 5 cm aux pieds avant !


Réfection des tissus du cadre porte pupitre:

Ces tissus sont très anciens (couleur bordeaux ou rouge très passé)  tachés et déchirés par endroit. Sont-ils d'origine ? En les retirant je n'ai pas trouvé de trace d'autre couleur ...Néanmoins j'ai de nombreux exemples d'Alexandre avec des tissus verts. De plus la toile du panneau arrière est très décolorée mais était verte. Afin de me coordonner avec les feutres des registres je décide donc de mettre des tissus verts. Le choix de la couleur est difficile. Voici mon choix !



Pour la chaise j'ai trouvé un coussin parfaitement adapté de couleur verte également. Et voici l'ensemble :






Et ce sera terminé pour cette deuxième tranche de travaux !

Il faudra peut-être que je m'occupe un peu du revêtement des pédales ...




Description des registres

                       

1 - Cor Anglais – Flûte de 8’.

Jeu de sonorité douce et ronde toujours en 8’. C’est le jeu de base car il est présent dans tous les harmoniums, même les plus modestes. La tessiture du Cor Anglais ne correspond pas à celle de l’instrument de l’orchestre ; par contre, celle de la Flûte correspond bien, à quelques notes près, à celle de son modèle.
 

2 - Bourdon – Clarinette de 16’.

Jeu de 16’. Il donne de la profondeur aux ensembles comme le Grand-Jeu.

"La Clarinette est connue pour être l’un des demi-jeux les plus chantants et les plus purs. " (Alphonse Mustel).

Seule, elle est idéale pour les chants graves et mélancoliques. En combinaison avec le Fifre, elle convient pour les passages légers et en notes répétées (Tarentelles, Boléros et autres danses) ; ces deux jeux sont à distance de deux octaves et l’effet produit est très curieux car les deux jeux s’entendent très distinctement.

La réputation du Bourdon est celle d’un jeu lourd car son émission se fait un peu tardivement surtout sur la première octave.

 

3 - Clairon - Fifre de 4’.

Le Clairon utilisé avec le Basson imite la Trompette ; avec le Basson et le Forté, on obtient un timbre éclatant et cuivré.

Le Fifre ne s’emploie jamais seul mais donne du mordant dans tous les mélanges. Avec la Flûte, il excelle dans les passages légers et brillants. Dans certains instruments du début, on le trouve sous l’appellation Flageolet.

 

4 - Basson - Hautbois de 8’.

Le timbre du Basson est chaud et pénétrant, mais sans dureté. Il convient dans les accompagnements doux. Sa tessiture correspond à peu près à celle de l’instrument dont il emprunte le nom.

Le Hautbois, d’un timbre champêtre, possède toutes les qualités de l’instrument de l’orchestre et est, de ce fait, souvent utilisé seul.

 

Voix humaine - Voix Céleste de 8’.

La voix céleste est un jeu ondulant à droite très agréable lorsqu’il est réussi. C'est un jeu légèrement désaccordé afin d'obtenir un battement avec la Flûte de 8'.
Il s’emploie seul en général et est très caractéristique de l’harmonium. Il est accompagné par un demi-jeu de gauche, la voix humaine, ondulant avec le Cor anglais.

Lorsqu’il n’y a pas de voix humaine à gauche, la voix céleste à droite est souvent en 16’ et ondule avec la Clarinette.

 

6 – 2ème Bourdon  - Musette de 16’.

Ce 2ème bourdon forme la basse à gauche de la musette. Il donne un son plus profond et puissant que le 1er bourdon qu’il renforce à la manière d’une contrebasse, mais il est encore plus lent au démarrage !.

La musette est un demi-jeu de droite de 16’ d’un timbre nasillard et champêtre comme le Hautbois.

"Demi-jeu des dessus, rappelant la cornemuse, mais en plus tendre, en moins âpre. La musette est l’un des jeux les plus expressifs de l’instrument. On s’en sert peu en accords, mais, comme jeu chantant, on a coutume de lui confier l’interprétation de toute phrase ayant un caractère pastoral." (Alphonse Mustel).

 

Forté.

Mécanisme qui consiste à augmenter la force de certains jeux. Ils agissent sur les jeux à l’arrière du sommier, c’est-à-dire les 3, 4 et 6.

Il y a deux registres de Forté : un à droite et un à gauche. Lorsqu’on tire un registre, un volet s’ouvre, laissant passer plus d’harmoniques aiguës d’où une impression de plus grande puissance.

 

Sourdine.

C’est le Cor Anglais qui parle mais la soupape d’admission de l’air est beaucoup plus réduite. L’ouverture de cette soupape peut d’ailleurs être réglée à l’intérieur du sommier. La réduction du volume sonore est très importante mais il n’y a plus assez de vent pour les basses : la première octave est difficilement utilisable !

Ce registre se trouve toujours à gauche car un des inconvénients de l’harmonium est que les basses couvrent toujours les dessus. Si l’on veut faire ressortir une mélodie à la Flûte, il faut un accompagnement faible ; la Sourdine convient parfaitement.
On la trouve sous d’autres appellations : Jeu Doux, Dolce, Lointain.

 

Trémolo.

Dès qu’il est appelé, une soupape, d’un genre particulier munie d’un petit soufflet fermé par un clapet lesté par un poids, s’ouvre et bat en faisant trembler le son.

Il fait parler un jeu déjà existant, la Clarinette de 16’ à droite. On l’appelle quelquefois Tremblant. Il est en général utilisé en combinaison avec d’autres registres. Il semblait peu prisé des musiciens de l’époque qui le jugeait « inutile à l’art » (Alexandre Cellier). Il est vrai que le résultat est assez kitch mais assez en phase avec le répertoire pastoral d'un Lefébure Wély !

 

Grand-Jeu.

C’est un mécanisme qui permet d’ouvrir simultanément tous les jeux de l’instrument (sauf les jeux ondulants) grâce à une genouillère centrale située au-dessous du clavier.


Expression.

C’est un mécanisme qui ferme la réserve d'air. Ainsi les soufflets des pédales sont directements reliés au sommier et l'on peut ainsi doser la pression et donc le volume des anches. C'est là l'originalité de l'harmonium français également appelé Orgue expressif. Quasiment toutes les oeuvres spécifiquement écrites pour harmonium au 19ème exigent l'utilisation de l'expression. Mais la pratique de l'expression ne s'improvise pas et demande un travail certain ! Il est même possible (avec beaucoup d'entraînement) d'accentuer certaines notes d'un coup de pédale ou même d'obtenir un effet de vibrato en faisant trembler un pied sur la pédale ! 


La norme utilisée par les éditeurs de l’époque sur les partitions est la suivante :

(en général le numéro du registre est entouré d'un petit cercle : cela signifie qu’il faut ajouter le registre. Lorsque le petit cercle est barré cela signifie qu’il faut retirer ce registre.)

1 – Cor anglais – Flûte

2 – Bourdon – Clarinette

3 – Clairon – Fifre

4 -  Basson – Hautbois

5 – Musette (à droite)

VC – Voix céleste (à droite et en 16’ s'il n'y a pas de VH)

VH – Voix humaine (à gauche)

2eB – 2éme bourdon (à gauche, c'est la basse de la Musette)

T – Trémolo

0 – Forté (un à droite et un à gauche)

G – Grand jeu

E – Expression


La maison Alexandre

La maison a été fondée an 1829 par Jacob Alexandre. A cette époque, elle s'occupait de la fabrication d'accordéons. C’est vers 1843, que la maison Alexandre produit des Orgues - Mélodiums, appelés de la sorte parce que Debain (Paris) possédait les droits de l'appellation « Harmonium » qu'il avait fait breveter. Les harmoniums d'Alexandre étaient tenus dans une haute estime, ils avaient gagné une médaille d'honneur à l'Exposition de Paris en 1855. Jacob était marié à Charlotte Dreyfus, organiste - joueuse d'harmonium - professionnelle. Leur fils Edouard s'intégra à l'entreprise qui s'appela dès lors Alexandre et fils et plus tard Alexandre père et fils.
Pendant de nombreuses années, les salons d'exposition et d'essai étaient au 39 rue Meslay à Paris. Le premier atelier était situé non loin de là, 9 rue de la Pierre Levée. Ensuite (en 1860), une grande usine à vapeur était construite à Ivry sur Seine sur l’ancien parc du château avec pour l'époque les meilleures conditions sociales pour les ouvriers.

Historique rapide de la maison ALEXANDRE :

NB : Jacob Alexandre et son fils Edouard sont historiquement inséparables. En effet, c’est au nom d’Alexandre Père & Fils qu’a été estampillée la presque totalité de leur production. Il ne semble pas exister d’instrument au seul nom de Jacob Alexandre et rares sont ceux au nom d’Alexandre & fils.
Jacob Alexandre : Paris (1804) – Paris (11-06-1876) soit 79 ans
Edouard Alexandre : Paris (1824) – Paris (09-03-1888) soit 64 ans

1829 : Jacob Alexandre fonde sa première entreprise, en tant que facteur d’accordéons et d’harmonicas : adresse : 6 rue Transnonain à Paris

1840 : 38 rue de Montmorency à Paris

1843 : Installation au 10 boulevard Bonne-Nouvelle à Paris

Le 30 novembre 1843 : on parle pour la première fois de Mélodium

(audition donnée dans les salons de la comtesse de Ségur)

1845 : Accord avec l’Abbé Clergeau pour l’utilisation du clavier transpositeur

1846 : Accord financier avec Alexandre Martin de Provins (ou de Sourdun) pour l’utilisation de la percussion (brevet 1841).

1849 : Médaille d’argent pour leur Orgue-Mélodium

          (exposition des produits de l’agriculture et de l’industrie à Paris)

1850 : Ouverture de la fabrique de la rue Pierre Levée au n°9

1851 : Installation au 39 rue Meslay à Paris

1853 : Construction du piano-harmonium de Liszt dit Piano-Liszt

1855 : Médaille d’honneur à l’Exposition Universelle.

L’Orgue à Cent Francs est présent à cette exposition

1860 :  Ouverture de l’importante fabrique d’Ivry sur Seine (rue du Parc)

 Edouard est fait Chevalier de la Légion d’Honneur

1868 : Première faillite

1872 : Nouvelle adresse : 106 rue de Richelieu à Paris

Intervention de Bionne et d’Edmond Moïse Sèches (beau-frère d’Alexandre, Bayonne 1848, mort à Asnières le 7 février 1942)

1877 : Deuxième faillite

1882 : Déménagement de la fabrique au 51 puis au 90, rue Verte à Ivry sur Seine

1884 : Edmond Sèches, co-directeur de la nouvelle société avec Edouard

1889 : Nouvelle médaille d’or à l’Exposition Universelle

1892 : Nouvelle adresse : 81 rue Lafayette

1907 : Reprise de l’affaire par les frères Fortin, rue Saulnier et rue Chaptal à Paris, puis Chaussée du port à Reims.

1955 : Arrêt de la fabrication des harmoniums


Adresses successives du magasin ALEXANDRE à PARIS :

  

10, boulevard Bonne-Nouvelle (1829 – 1855) C’est l’adresse du premier magasin d’Alexandre que l’on trouve sur les premiers instruments appelés « mélodiums » construits entre 1844 et 1855. A cette époque la firme se nommait « ALEXANDRE et FILS, inventeurs et facteurs ». Ensuite, sur les premières étiquettes mentionnant la rue Meslay il est rappelé que la firme était auparavant sise au 10 Boulevard Bonne-Nouvelle.

 

 

 

39, rue Meslay (1851 –1872) entre le quartier du temple et le quartier du sentier. Aujourd’hui le magasin a été reconvertit en foyer d’accueil. Un passage juste en face permettait de rejoindre les grands boulevards (Boulevard Saint Martin). Ce passage figure encore sur les plans de Paris sous le nom « passage des orgues » ! Aujourd’hui ce passage est propriété privée et clos des deux cotés. Plus rien ne rappelle ni le passage des orgues ni la maison Alexandre. Non loin de là, de l'autre coté de la place de la République, se trouve la rue de la Pierre Levée où étaient installés au n° 9 les premiers ateliers de fabrication (aujourd’hui c’est une imprimerie).

        

 

106, rue de Richelieu (1872 – 1892) Cette adresse figure au dos de la méthode d’orgue expressif de L. MOONEN éditée par Alexandre, méthode qui a eu elle-même une médaille d’or à l’exposition de 1878. Sur mon exemplaire cette adresse est barrée d’un trait de crayon rouge et une nouvelle adresse (81 rue Lafayette) est imprimée avec un tampon. A coté du métro Richelieu Drouot, ce magasin a aujourd’hui laissé place à un restaurant japonais.

 


 

81, rue Lafayette (1892 - 1955) à coté du square Montholon. Le magasin a disparu et tout le rez-de-chaussée de cet immeuble a été transformé en agence bancaire.

 

 

En fait, j’ai connu à cet endroit un magasin de pianos dans les années 1970 alors que j’étais au lycée Diderot à Paris. Déjà passionné par l’orgue je visitais alors tous les magasins parisiens. Dans mon souvenir, il s’agissait d’une petite boutique ancienne avec une devanture peinte en vert et qui présentait également des orgues de la marque Ahlborn. Je me souviens d’avoir assisté à une démonstration de ces premiers instruments « liturgiques » électroniques. Mais je me souviens également qu’en plein milieu du magasin un instrument à deux claviers et pédalier était démonté et en cours de restauration. C’était un harmonium. A la question que je posais sur cet instrument, un vieux monsieur m’avait répondu d’un air désabusé quelque chose du genre « n’en parlons plus ! Maintenant c’est terminé, c’est du passé ! ». Peut-être s’agissait-il d’un ancien collaborateur de la firme Alexandre ?

Usine d'Ivry sur Seine : A priori il n'existe plus rien de cette usine à Ivry. J'ai néanmoins retrouvé cette gravure qui donne une idée de l'importance de cette industrie à la fin du 19ème siècle.


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